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Texte manuscrit : Mémoire Miolande ©

Mise en page et illustrations : C.G.M.

Nourrices à Mions et ailleurs

Des femmes de Mions ont nourri, élevé mais aussi vu mourir des enfants qui leur étaient confiés.

"Le silence" ou "ne l'éveillez-pas" , gravure de Laurent Cars d'après Greuze, détail, paru dans "cent mille ans de vie quotidienne", - collection panorama d'histoire, édition du Pont Royal, Paris, 1960, gravure n° 537

 

 

Cette pratique de confier, à une autre femme que la mère biologique, un enfant nouveau-né est vieille comme le monde. L’Ancien Testament parle de la nourrice de Rebecca, femme d’Isaac. Racine, dans l’une de ces tragédies, nous rappelle que Phèdre, l’épouse du roi Thésée, fondateur d’Athènes, avait, elle aussi, une nourrice devenue du fil du temps confidente de la reine.

 

La présence d’enfants en nourrice à Mions est attestée dès 1682 (il y a donc plus de 3 siècles).

 

Dans les années 1990, Michel Lespérat réalisa une étude démographique à partir des registres paroissiaux de Mions et releva 99 décès d’enfants de tous âges – de quelques jours à quelques années – en nourrice à Mions entre 1682 et 1792 soit 110 ans.

 

Ces enfants pour les ¾ étaient natifs de Lyon, « la grande ville voisine ».

A cette époque, les naissances se succèdent à intervalles très courts dans un grand nombre de familles. 1/3 des femmes ont 10 enfants au moins, souvent plus. L’intervalle entre 2 naissances n’est généralement que de 18 à 22 mois. Allant de pair avec cette forte natalité, les mises en nourrice des enfants de la ville augmentent fortement.  En effet, au 18ème siècle, les structures sociales et les formes de travail urbain imposent aux familles le travail féminin. A Lyon, ville de la soie, la femme est une auxiliaire indispensable pour les ménages ouvriers et artisanaux. La femme travaille sur le métier ou dans la boutique. La mise au monde d’un enfant ne peut interrompre que très momentanément l’activité de la femme.

 

 

Extrait du « livre des jeunes mères » ~ 1880

 

Dans le monde ouvriers ou à la campagne : les mères, un ou deux jours après leur délivrance, sont obligées de reprendre le soin de leur ménage et de s’occuper elle-même du nouveau-né ; elles doivent aussi laver le linge dont elles ont besoin. Jugez combien cela doit être pénible et combien la chose est dangereuse, surtout dans la mauvaise saison !

 

Dans la bourgeoisie : ce n’est que du 20ème au 30ème jour (après la naissance) qu’il sera permis à la mère de sortir pour la première fois et que ce n’est qu’au bout de 6 semaines révolues qu’elle peut se considérer comme entièrement affranchie des suites de ses couches …

 

2 jours pour la paysanne ou l’ouvrière ; 6 semaines pour la bourgeoise. La différence est significative !

 

Pour l’ouvrière et la commerçante, l’enfant est donc une gêne. S’il fallait, en plus, le nourrir, la rentabilité du travail diminuerait. Le mieux était donc de s’en séparer plus ou moins rapidement. L’abandon était du reste préconisé et encouragé par l’Eglise depuis des siècles.  Le concile de 906, entre autres, invitait les prêtres à insister auprès de leurs ouailles sur le fait qu’un enfant qu’on ne pouvait élever – ou un enfant adultérin – devait être abandonné plutôt que tué.

 

A Lyon, les hôpitaux recueillaient les enfants déposés devant leurs portes ou sous le porche des églises, nourrisson de quelques heures ou bébés de quelques mois, qu’il était impossible de garder dans des logements exigus, surpeuplés et entièrement voués à la mécanique des métiers.

 

 

 Les enfants abandonnés étaient placés en nourrice. On avait recours à des entremetteuses ou à des bureaux de nourrice plus ou moins clandestins. Ces personnes avaient leurs réseaux qui leur permettaient de récupérer les enfants et de les conduire, hiver comme été, chez un correspondant à la campagne qui prenait en charge le nourrisson. Le prix de pension variait bien évidemment à la fois avec la proximité de Lyon et les facilités de paiement des parents. Il pouvait atteindre 100 f / an dans les villages proches de la ville (à moins d’une journée de marche), ce qui était à l’époque une somme non négligeable). L’Hôtel-Dieu, qui ne pouvait payer que 30 f/an, envoyait les enfants trouvés en nourrice à grande distance de Lyon, donc sans possibilité de surveillance.

Les enfants décédés en nourrice à Moins étaient issus, pour 1/5 d’entre eux de familles d’ouvriers en soie.

Les familles d’artisans, marchands et négociants qui disposaient souvent d’un peu plus de moyens, trouvaient elles-mêmes les nourrices de leurs enfants ; C’étaient les plus nombreux à Mions.

 

Pour les familles aisées – les bourgeois comme on disait – la mise en nourrice n’était aucunement liée aux nécessités économiques. Si ces mères se dispensaient allègrement « du devoir absolu de nourrir son enfant et ainsi de suivre le vœu de la nature». C’était souvent par pure coquetterie. Elles ne voulaient pas être déformée par les périodes successives d’allaitement et ne plus pouvoir se rendre aux invitations que s’échangeaient les gens de la bonne société.

 

Monsieur n’était pas en reste pour pousser à la mise en nourrice, suivant en cela une croyance tenace et longuement répandue : il pensait que s’il honorait Madame en période d’allaitement, cela risquait de lui gâter le lait et ainsi compromettre la santé du rejeton. Aussi abstinence et continence qui pouvaient durer des semaines, des mois, voire 2 années, ne convenaient pas toujours à Monsieur qui sentait peu à peu monter la pression …

Dans ces milieux aisé, le nouveau-né était le plus souvent confié à une nourrice sur lieu, c’est à dire que celle-ci était hébergée par la famille jusqu’au sevrage. De ce fait la nourrice devait se séparer de son propre enfant placé lui-même en nourrice !

 

 

 

Ce tableau de Jean Brueghel l'Ancien, intitulé visite à la ferme, date de 1597. Il montre, nous dit le commentateur, "un intérieur paysan qui, sans être luxueux,
paraît confortable".
Pour le propos qui nous occupe, on voit toutefois les multiples dangers qui y guettaient les petits: le feu, la grande marmite pleine de liquide brûlant, le chien qui dort dans le berceau, les grands ciseaux à portée des menottes, l'escalier raide et sans rampe, les outils qui traînent ça et là. Certes les adultes sont nombreux mais chacun a beaucoup à faire : ainsi la maman allaite son dernier-né tout en surveillant la marmite et en jetant un coup d'oeil sur le 2ème qui boit son "biberon" tout seul, tandis que l'aîné parle avec l'épouse du seigneur venu rendre visite à son fermier.

 

Parmi les nourrices sur lieu placées chez les bourgeois de Lyon, nombreuses étaient celles venues du Dauphiné. Quelques’ unes venaient-elles de Mions ? Sans doute mais nous n’en avons pas de preuve.

 

Les nourrices de campagne qui recueillaient les enfants trouvés et les nourrissaient moyennant une faible rétribution, constituaient ce que l’on appelait à l’époque l’allaitement mercenaire, de mauvaise réputation. Ces nourrices de campagne n’étaient pas toutes des femmes ayant elles-mêmes un enfant en bas âge. Elles nourrissaient alors le bébé confié au biberon.

 

L’emploi du biberon – invention ancienne – était, à cette époque la pire des choses car les pratiques élémentaires d’hygiène étaient méconnues. Les biberons étaient souvent en métal et difficile à laver ; le lait bourru, tiré des vaches pas très propres, et qui séjournait d’une têtée à l’autre à température ambiante, tournait, s’aigrissait et attaquait le métal qui libérait des éléments toxiques qui empoisonnaient peu à peu l’enfant.

Pour faire des économies, le lait était souvent fortement coupé d’eau plus ou moins propre, parfois prise directement dans la boutasse. Il n’était pas rare que le lait soit remplacé par une soupe épaisse, servie même aux tout jeunes enfants.

 

La mortalité des nourrissons élevés au biberon était effroyable. Les 2/3 des enfants lyonnais placés chez les nourrices mercenaires mourraient. A Paris, pratiquement tous les enfants nourris au biberon décédaient avant la fin de leur 1ère année.

 

Les nourrissons un peu mieux lotis étaient ceux nourris directement par un animal. C’était le plus souvent une chèvre, blanche et sans cornes. La chèvre choisie ne devait pas trop se fatiguer, être sortie plusieurs heures par jour et ne brouter trop d’herbes tendres. On la dressait à  se laisser têter. Aux heures des têtées, il fallait faire coucher la chèvre, lui mettre un coussin entre les jambes et poser l’enfant sur le coussin de telle façon que le pis lui entre facilement dans la bouche. Lorsqu’on juge que l’enfant a pris assez de lait, on le retire. Un médecin dont la femme avait eu des jumeaux écrivait : « la mère et la chèvre ont nourri les 2 enfants alternativement … ».

 

Alertés à maintes reprises par les éminents médecins qui composaient l’académie de médecine et qui comptabilisaient avec effroi les décès des nourrissons, les pouvoirs publics finirent par réagir. Une loi fut votée le 23 décembre 1874, qui assurait de façon rigoureuse la protection de ces enfants et l’organisation de la profession de nourrice ; les parents devaient déclarer la mise en nourrice de leurs enfants ; les nourrices devaient elle-même déclarer les enfants dont elles avaient la garde ; Maire et médecins devaient s’assurer des bons soins prodigués. Toutefois, comme cela est souvent le cas, cette loi ne fut appliquée que 4 ans plus tard, en 1878, et quelques milliers de décès d’enfants en plus.

 

De tels registres de déclaration de nourrices ont été conservés dans les archives locales. On apprend ainsi qu’en 1879, 1 enfant seulement était en nourrice à Mions.

Au cours de la décennie 1885-1895, c’était principalement les enfants de commerçants de Mions – épicier, cafetier, boulanger – qui étaient mis en nourrice et plutôt dans les communes environnantes. Les frais de garde devaient se discuter âprement. En 1903, un enfant né en mars avait été placé en nourrice à Moins moyennant 40 f / mois. Le 21 avril, le bébé était retiré pour être placé, ce même jour, chez une autre nourrice qui ne prenait que 36 f / mois mais elle demeurait à Villette Serpaize !

 

Si à la fin du 19ème siècle, les enfants placés étaient essentiellement nourris au sein, les choses changèrent rapidement au tournant du siècle. Entre 1908 et 1913, parmi les 48 nourrices inscrites sur les registres de Mions, 33 élevaient l’enfant gardé au biberon. Parmi celles-ci, on relevait 11 nourrices célibataires qui devaient améliorer leur ordinaire par une garde d’enfant ; deux filles-mère comme on disait à l’époque, faisaient partie des 7 nourrices qui allaitaient directement.

Les prix de pension variaient beaucoup ; donner le sein rapportait plus que donner le biberon. En 1916, par exemple, l’allaitement au biberon valait 35 f / mois contre 50 f/mois pour l’allaitement au sein. En 1922, ce dernier coûtait de 140 f à 180 f / mois.

A cette époque, encore, les enfants en nourrice à Moins venaient encore pour 80 % d’entre eux de Lyon. C’est à croire que les « yonnais » pensaient qu’il faisait bon vivre à Mions !

 

Les 2 guerres mondiales ont provoqué une forte inflation du prix de garde d’enfant : de 35 f en 1916, on est passé successivement à 230 f en 1930, 400 f en 1942 et 700 f en 1944.

 

Maintenant est une autre histoire …

 

 

 

Extrait de « l’année scientifique et industrielle »

par Louis Figuier

P409 … 

La mortalité des nourrissons  discussion de cette question de l’Académie de médecine

 

L’une des questions les plus importantes qui aient été agitées, en 1867, devant les corps savants, est celle de la mortalité, vraiment effrayante, qui sévit sur les enfants en bas âge envoyés en nourrice. Nous résumerons brièvement ici les faits qui  ont été présentés, et les opinions qui se sont produites à l’Académie de médecine, sur une question digne de la plus sérieuse attention, tant au point de vue philanthropique qu’au point de vue social, car la mortalité des jeunes enfants est au nombre des causes les plus directes de la diminution de la population française.

 

L’initiative de cette discussion … appartient à deux médecins … MM Brochard et Monot … montra qu’une effroyable mortalité sévissait sur les nouveau-nés, dans le Morvan, par suite de l’habitude qu’ont les femmes de ce pays d’abandonner leurs enfants à des soins mercenaires pour venir remplir, à Paris, les fonctions de nourrice sur lieu …

Le fonctionnaire public, dont l’administration est particulièrement en cause dans cette circonstance, M. Husson, directeur de l’Assistance publique, a pris le premier la parole … M. Husson a donné les chiffres authentiques qui représentent la mortalité des enfants trouvés de un jour à un an, confiés par l’administration des hospices aux nourrices des départements. Cette mortalité a été de plus de la moitié (56 pour 100) de 1839 à 1858 …

Tristes chiffres … dévoilés dans un rapport publié en 1862 par le ministère de l’intérieur …

Loire-Inférieure                    90 %   

Seine-Inférieure                    87 %

Eure                                     78 %

Calvados                              78 %

Aube                                    70 %

Seine et Oise                        69 %

Cote d’Or                            66 %

Indre et Loire                       62 %

Manche                                58 %

 

 … la Normandie est pourtant un pays riche et éclairé. Comment expliquer une pareille mortalité parmi les nouveau-nés ? M. Husson croit pouvoir l’attribuer à l’habitude qui existe dans ces campagnes, de remplacer l’allaitement naturel par l’allaitement artificiel. Le petit pot, comme on l’appelle en Normandie, ne saurait remplacer le sein maternel, quelle que soit d’ailleurs la qualité du bétail et du lait qu’il fournit … il y a là … une cause particulière à ce pays et qui atteint les enfants légitimes, aussi bien que les enfants assistés …

Qu’y a-t-il donc à faire pour sauvegarder la vie des enfants nouveau-nés ? C’est ce qu’il importe d’examiner …  les mesures prises … pour réglementer l’industrie des nourrices … inspecteurs, médecins qui les secondent … reçoivent pour leur concours et la fourniture des médicaments, s’il y a lieu, une indemnité de 1 franc par enfant et par mois … afin de s’assurer du bon état des enfants …

Après le directeur d’ Assistance publique, M. le docteur Devilliers a fait connaître les chiffres de la mortalité des nourrissons dans les départements de l’Isère, du Doubs, du Puy-de-Dôme, du Rhône, ainsi que dans les villes du Havre, de Marseille et de Lyon … De son discours, nous ne voulons retenir qu’un seul chiffre : c’est qu’à Lyon, la mortalité est de 5 pour 100 seulement pour les enfants envoyés en nourrice par les fermiers ou les cultivateurs aisés … il n’est question ici que des enfants soumis à la surveillance des bureaux de placement, qui sont au nombre de 3 à Lyon et dont l’organisation laisse peu de chose à désirer. Les directeurs de ces bureaux sont responsables vis-à-vis des familles et des nourrices. Un article du règlement institue des pénalités contre les nourrices ; il les prive de leur salaire dans certains cas déterminés, et les oblige ainsi aux bons soins et à l’attention vis-à-vis de leurs nourrissons … les bons effets de cette surveillance …

M. Devilliers pense donc que … l’administration supérieure pourrait user de son autorité, dans l’intérêt des nouveau-nés, en contraignant les autorités de chaque département et de chaque commune à exercer une surveillance régulière et efficace sur l’élève de ces enfants, et en instituant des pénalités contre les nourrices trompeuses ou insouciantes. A son avis, c’est le seul moyen de réveiller le sens moral …

M. Boudet prend une seconde fois la parole … dit … que le corps médical tout entier, investi sans réserve de la confiance des familles, réagisse de toutes ses forces contre cette déplorable tendance, qui porte la plupart des mères à recourir à des nourrices ! Qu’il fasse comprendre à ces mères égoïstes qu’en agissant ainsi, elles compromettent deux existences, celle de leur enfant et celle du propre enfant de la nourrice, prématurément privé du sein maternel ! Sans doute, il est des mères incapables de nourrir ; mais le plus grand nombre n’est pas dans ce cas, et ne cède, en abandonnant momentanément les nouveau-nés, qu’à des considérations mondaines.

Combien d’enfants, dit M. boudet, meurent dès les premiers jours de leur existence, pendant l’intervalle qui sépare l’instant de leur naissance de leur départ en nourrice, et, chose triste à dire, meurent d’inanition, faute du lait de leur mère ou de leur nourrice ?

Combien d’autres prennent, durant le voyage, dans des wagons mal fermés, le germe de maladies mortelles ! Enfin combien, parmi ceux qui ont échappé à ces diverses causes de mort, descendent dans la tombe, par suite de la mauvaise foi de leurs nourrices ! Celles-ci remplacent le sein par un biberon rempli de lait de vache, coupé avec de l’eau impure. Ce biberon, censé en étain, est, en réalité, fabriqué avec un alliage de plomb et d’étain, qui est souvent attaqué par le lait aigri, sous l’influence d’un séjour prolongé dans le vase et donne alors naissance à un lactate de plomb, qui devient, pour l’enfant, un véritable poison. On voit même des nourrices substituer, dès le premier mois, au lait qui leur coûte trop cher, de la bouillie de blé et même de la soupe grasse.

Le mal est donc très grand mais il n’est pas impossible d’en arrêter les progrès, d’opérer une réforme profonde et rapide dans l’industrie des nourrices et d’entrevoir un meilleur et prochain avenir.

Quels moyens pourrait-on employer pour arriver ce but ? …

« L’autorité peut sans doute exercer une précieuse tutelle sur les enfants et les nourrices, dit M. Boudet, en les plaçant sous la surveillance des maires de leurs communes, en imposant aux nourrices un livret où toutes les vicissitudes de la santé des nourrissons seront régulièrement inscrites, en faisant constater les décès et leurs causes, avec une rigoureuse exactitude, par des médecins et en exigeant procès-verbal de ces constatations et avertissement immédiat des parents, en créant des inspections médicales, en les confiant à des hommes indépendants par leur position et leur caractère, et en attachant à ces fonctions honneur et rémunération suffisante. Mais cette intervention de l’autorité laisserait subsister encore une foule d’abus, si le dévouement des particuliers ne venait compléter sa tâche … c’est ainsi que la Société Protectrice de l’enfance et les associations qui se formeront à son exemple dans les départements, rendront les plus grands services, si elles comprennent bien leur véritable mission. Il leur appartient d’avoir constamment, par leurs délégués, l’œil ouvert sur les nourrice, de les tenir incessamment dans une appréhension salutaire, de veiller sur leurs propres enfants comme sur leurs nourrissons, de les assister dans la détresse ou la maladie, d’appeler sur  elles les rigueurs ou les récompenses, de relever dans l’estime publique ces femmes si méritantes lorsqu’elles s’acquittent loyalement de leur mission si délicate, si laborieuse, si digne de reconnaissance ».

M. Boudet voudrait, en outre, que les notions élémentaires de l’hygiène des enfants fussent popularisées dans les villes et dans les campagnes, afin de combattre l’ignorance déplorable des nourrices, qui est une des principales causes de la mortalité des nouveau-nés.

M.J. Guérin, prenant à son tour la parole … attribue surtout la mortalité des nourrissons confiés aux soins mercenaires des nourrices de campagne à l’alimentation prématurée, qu’il ne faut pas confondre avec la mauvaise alimentation, l’alimentation insuffisante et même l’alimentation artificielle.  M. Guérin entend, par alimentation prématurée, celle qui est donnée aux enfants en disproportion avec leur âge et leurs facultés digestives.

L’alimentation lactée est la seule naturelle, la seule normalement possible à la naissance et pendant les premiers mois de l’enfance. Cependant beaucoup de nourrices remplacent le lait par des bouillies, des panades et autres aliments du même genre. Quelles sont les conséquences de ce régime ? En premier lieu, un dérangement des fonctions digestives ; puis une diarrhée interminable, qui s’explique sans peine, l’effet ne pouvant cesser lorsque la cause persiste. Bientôt le ventre de l’enfant se tuméfie, et devient le siège d’un engorgement considérable auquel succède une déformation du squelette, qui n’est que la dernière période du rachitisme. Enfin la mort arrive.  C’est du mois de juin au mois de septembre qu’on a le plus grand nombre de décès à déplorer, parce qu’à l’affection gastro-intestinale vient se joindre, à cette époque, l’influence d’une température élevée. Il faut ajouter, dit M. Guérin, pour démontrer toute l’influence de cette première cause, qu’elle contribue indirectement à grossir le nombre des décès des nouveau-nés à un âge où les enfants sont exposés à diverses maladies, telles que le muguet, la rougeole, la scarlatine, etc.  Car ces maladies font d’autant plus de ravages, qu’elles sévissent sur des organismes débilités, appauvris par l’alimentation prématurée.

… La mortalité moyenne des enfants est de 29 pour 100 dans le département d’Eure-et-Loir ; et dans cette mortalité, la part des enfants légitimes est de 25 pour 100 et celle des enfants illégitimes de 95 pour 100. De même pour le département de l’Yonne, la mortalité moyenne est de 24 pour 100 et celle des enfants légitimes de 22, tandis que celle des enfants illégitimes atteint le chiffre de 85 pour 100. 

Si l’on remonte à la cause de cette effroyable mortalité des enfants illégitimes, on reconnaît, dit M. Guérin, que ces nourrissons périssent tous de la même manière : par inanition. Sans doute le manque d’air, de soins, de propreté, et même les mauvais traitements, influent également sur la mortalité des nourrissons ; mais les défauts d’alimentation reste la cause principale.

En présence de ces faits, il est du devoir de l’Académie de médecine d’appeler de la part de l’autorité une répression sévère. Mais tout en punissant le mal, il faudrait, dit M. Guérin, encourager le bien. Il importe de mettre en jeu l’intérêt des nourrices, parce chez elle, il faut bien le déclarer, l’intérêt domine le devoir. L’intérêt leur fera prendre, pour leurs nourrissons, des soins auxquels elles n’eussent jamais songé sans ce puissant mobile. M. Guérin propose donc d’instituer des concours de beaux nourrissons comme on établit des concours de volailles grasses, avec primes pour les plus joufflus et les mieux constitués. Une pareille idée, disons-le, ne saurait être acceptée. Cette assimilation de l’enfance au bétail est peu digne ; nous croyons qu’on peut avoir raison d’une autre manière de la négligence et de l’incurie des nourrices. L’Amérique et l’Angleterre nous ont précédés dans cette voie, dit M. Guérin ; sans doute, mais sommes-nous tenus d’imiter tous les faits et gestes de nos excentriques voisins d’outre-mer ?

M. Guérin conclut en demandant : « une liberté surveillée pour tous, une pénalité sévère contre les coupables, des secours et des conseils pour les nourrices, et des primes pour les nourrissons ».

 

Nous vous recommandons le passionnant livre paru en 2007  sur l’histoire de Mions "De metono à la ville actuelle, onze siècles d’histoire" (de la première villa gallo-romaine au développement de la sériciculture, en passant par la tradition des nourrices ... au détours des pages, vous croiserez la Marguerite, savoureuse figure locale ; vous goûterez aux expressions du patois mioland ...) résultats des travaux de recherche effectués par l’association d’histoire locale : Mémoire Miolande

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